Jean Pillan, charpentier de métier est décédé en septembre dernier. Il avait remporté le titre de Meilleur Ouvrier de France Charpentier en 1968.
Titulaire d'un CAP de Menuisier (1950), d'un CAP de Charpente (1952) puis d'un Brevet Professionnel Menuisier (1962), il fut contremaître charpentier de l'Entreprise de charpente traditionnelle nivernaise Charles Jacob (1958-1969). Il poursuivit sa carrière en qualité de Professeur au Collège d'Enseignement Technique de Varzy (1970-1972). Il fut Lauréat du Concours National de Professeur de Lycées Professionnels puis Professeur de Charpente & Menuiserie au Lycée Fernand Léger de Fourchambault (1974-1992). Jean Pillan fut Membre du Groupement Meilleur Ouvrier de France Nièvre depuis 1968, administrateur en 1990 et enfin Secrétaire de Section et du Concours des Meilleurs Apprentis de France depuis 2005;
Membre de l'Association Française Restaurons Notre-Dame depuis la création de celle-ci en 2019, Jean Pillan nous avait livré son avis sur la restauration de la charpente de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Il préconisait une restauration, dans la mesure du possible, identique à la charpente d’origine, par des procédés de conception et de fabrication actuels et donc modernes ...
Retour sur cette interview (2019) : L'oeuvre de Jean Pillan, Meilleur Ouvrier de France Charpentier
Jean Pillan pris la décision de concourir après avoir visité l'exposition du précédent concours national du meilleur ouvrier de France en 1965. Lors de l'édition 1968 à laquelle il participa, il choisit le sujet comprenant le bois lamellé-collé, matériau plus moderne et générant un ouvrage moins consommateur de bois d'oeuvre.
" Je ne pense pas avoir éprouvé beaucoup de difficultés. Tout était une question de temps. Je ne dirais pas de patience parce que, d'un bout à l'autre, cela fut pour moi un travail passionnant. D'ailleurs, j'en ai rajouté puisque j'ai exécuté en double ce qui était imposé par le jury du concours et également ajouté une façade également hors concours. A cela, je n'ai pas eu vraiment de mérite puisqu'il suffisait de concevoir les pièces de charpente en double exemplaire, l'étude étant strictement la même. Bien sûr, toutes les épures ont du être tracées à l'échelle d'exécution et elles ont été examinées tout autant que l'oeuvre elle-même. Il m'a fallu 850 heures pour réaliser ce travail dont 150 pour les épures et le traçage. "
Descriptif du projet :
La maquette de l'ouvrage est réalisée au 1/20ème. Il s'agit d'une charpente en bois lamellé-collé pour toutes les parties courbes en plan et élévation : arbalétriers, consoles, arêtiers. Les éléments droits sont en bois massif : faitage, pannes et chevrons. Les bois choisis sont le noyer pour la structure, l'acajou sipo pour le socle. Les dimensions réelles de l'ouvrage sont imposantes lonpans : 23,20m, croupe : 20,00m et hauteur au faîtage 22,40m.
La maquette réalisée pour le concours, en 1968, a été coupée en deux parties en 2013 . Une ferme plate a du être ajoutée dans l'axe symétrique (pour des raisons de volume d'encombrement de la maquette) et pour la fermeture de la structure ainsi que pour l'esthétique de l'oeuvre.
Notre-Dame de Paris, l'avis de Jean Pillan : utiliser le chêne pour les futures charpentes mais aussi des moyens modernes pour sa conception que ce soit pour la réalisation des épures, les calculs de résistance ainsi que les simulations 3D ...
Jean Pillan, membre de l'Association Française Restaurons Notre-Dame, s'était prononcé en faveur de l'utilisation du chêne issu des forêts françaises et pourquoi pas nivernaises, le département de la Nièvre (où il réalisa une grande partie de sa carrière professionnelle) étant le premier département producteur de cette essence en France et connu pour ces chênaies d'exception.
" Il faudra utiliser le chêne pour la future charpente de Notre-Dame de Paris, cela va de soit, mais aussi des moyens modernes pour sa conception que ce soit pour la réalisation des épures et les calculs de résistance ainsi que les simulations 3D qui seront évidemment numériques. Il en va de même pour la fabrication des éléments de cette charpente qui devra utiliser, pour la majeure partie des pièces, des bancs de taille également numérisés. Ils assureront une précision extrême des coupes et des assemblages de la future structure soumise, aujourd'hui, à des normes de construction très strictes auxquelles ne pourra pas échapper la future charpente. N'oublions pas que celle-ci devra s'apprécier comme un ouvrage entièrement neuf même si, initialement, elle fut conçue au XIIème et XIIIème siècle.
Cela dit, un compromis entre une structure en bois d’inspiration contemporaine et médiévale pour une partie mineure de la future charpente, employant les techniques de traits et de taille de la charpente traditionnelle héritée de cette époque permettrait de valoriser les savoir-faire ancestraux et leur transmission à nos jeunes dans un cadre exceptionnel bénéficiant d'une visibilité planétaire. On pourrait parfaitement prévoir qu'un certain nombre de pièces de cette future charpente soit taillées manuellement sur un espace situé à proximité du monument selon les règles traditionnelles du métier de charpentier, comme cela a été fait pour la reconstructon de l'Hermione. Cela permettrait également aux entreprises de renouer le lien avec un savoir-faire pluriséculaire, dans l’esprit et la continuité des chantiers des cathédrales. Un tel chantier serait sans aucun doute spectaculaire auprès de la population d'autant qu'il serait fortement médiatisé. Cette mixité des techniques pour Notre-Dame de Paris permettrait de valoriser à la fois le métier de charpentier sous sa forme la plus traditionnelle mais aussi la plus moderne".
Et Jean Pillan de conclure :
" Nous avons autant besoin de compagnons charpentiers pour la sauvegarde et la restauration de nos monuments historiques que de techniciens-charpentiers pour le développement de la charpente et des structures bois modernes. Ce chantier doit être l'occasion de valoriser ces deux approches".
Biographie de Jean PILLAN :
- CAP de Menuisier (1950) - CAP de Charpente (1952) - Brevet Professionnel Menuisier (1962)
- Contremaître Charpentier de l'Entreprise de charpente traditionnelle Charles Jacob (1958-1969)
- Meilleur Ouvrier de France, Concours National 1968
- Professeur au Collège d'Enseignement Technique de Varzy (1970-1972)
- Lauréat du Concours National de Professeur de Lycées Professionnels
- Professeur de Charpente & Menuiserie au Lycée Fernand Léger de Fourchambault (1974-1992)
- Membre du Groupement Meilleur Ouvrier de France Nièvre depuis 1968, administrateur en 1990
- Secrétaire de Section et du Concours des Meilleurs Apprentis de France depuis 2005
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