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Notre-Dame de Paris : Six ans après l’incendie, la renaissance d’un chef-d’œuvre de l’humanité

Dernière mise à jour : il y a 1 jour

Par Pascal JACOB,

Fondateur et Président d'Honneur de Restaurons Notre-Dame (rND)

Paris, le 15 avril 2025


Introduction – Le Chantier du Siècle, miroir d’une nation


Le 15 avril 2019, en début de soirée, un incendie ravageait la cathédrale Notre-Dame de Paris. Le monde entier assistait, sidéré, à l’effondrement de la flèche de Viollet-le-Duc, à la disparition de la charpente médiévale, et à la menace qui pesait sur les voûtes de pierre de ce joyau gothique. Ce fut un choc profond, un drame collectif, un effondrement physique mais aussi symbolique.


Dès le lendemain, le Président de la République annonçait sa volonté de reconstruire la cathédrale « plus belle encore », en cinq ans. Beaucoup pensaient ce pari impossible. Six ans plus tard, le monument est restauré, réouvert, et rayonne de nouveau. Cette promesse tenue est bien plus qu’une performance technique : elle est le fruit d’un engagement collectif, d’une maîtrise rare, et d’un acte de foi dans l’excellence française.


Cet article propose un voyage en dix chapitres au cœur d’un chantier unique au monde. Il en retrace les grandes étapes, les partis pris fondateurs, les prouesses techniques, les engagements humains, les contributions scientifiques, et le rôle central qu’a joué la société civile dans cette aventure. Il donne à voir un récit polyphonique, fait d’architectes, d’ouvriers, d’étudiants, de chercheurs, de forestiers, de bénévoles, d’élus, de mécènes et d’enseignants.


À travers cette restitution, c’est aussi le sens du patrimoine dans notre temps qui est interrogé : que signifie transmettre un édifice du XIIIe siècle au XXIe ? Que nous enseigne une restauration fidèle sur notre rapport à l’histoire, au savoir, au geste, à la forêt, à la main, à la France elle-même ?


Ce texte déroule dix chapitres, comme autant de visages d’un même acte fondateur :


I. Une icône universelle, blessée au cœur de l’humanité ;


II. Une promesse tenue grâce à une organisation exceptionnelle ;


III. Une restauration fidèle, fondée sur les principes de Venise et de Nara ;


IV. Une conservation exigeante avant toute reconstruction ;


V. Le lien retrouvé entre la cathédrale et les forêts françaises qui lui ont donné ses bois ;


VI. La reconstitution magistrale de la flèche de Viollet-le-Duc, sommet d’une œuvre collective ;


VII. La mobilisation humaine, scientifique et financière d’une ampleur sans précédent ;


VIII. Le retour de Notre-Dame comme symbole vivant d’unité nationale et de beauté partagée ;


IX. L’action en profondeur de l’association Restaurons Notre-Dame, vigie et force de proposition citoyenne ;


X. La nécessité de faire de cette œuvre une source féconde de transmission, pour les générations à venir.


Plus qu’un monument, Notre-Dame est une leçon. Une cathédrale de pierre et de sens. Une œuvre restaurée, et un élan à poursuivre ...


Notre-Dame de Paris restaurée - Le 15 décembre 2024 - Photo Pascal Jacob


I. Une icône universelle, blessée au cœur de l’humanité

La cathédrale Notre-Dame de Paris est bien plus qu’un chef-d’œuvre gothique du XIIIe siècle. Classée au titre des monuments historiques sur la liste de 1862, elle est partie intégrante du bien « Paris, rives de la Seine » inscrit en 1991 sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco, elle incarne, dans l’imaginaire collectif, la quintessence de l’histoire européenne et chrétienne. Depuis sa première pierre posée en 1163, elle a traversé les siècles, témoignant des vicissitudes de la monarchie, des Révolutions, des renaissances religieuses, des guerres et de la paix.


L’incendie du 15 avril 2019 n’a pas seulement ravagé une structure architecturale : il a provoqué une onde de choc mondiale. En quelques heures, des millions d’êtres humains se sont sentis atteints dans ce qu’ils ont de plus intime : le lien à l’histoire, à la beauté, au sacré. Le monde entier a vu la flèche de Viollet-le-Duc s’effondrer, les flammes lécher les voûtes, les charpentes millénaires partir en fumée.


Cette tragédie a eu une portée anthropologique. Elle a mis en lumière notre attachement collectif au patrimoine comme socle commun de mémoire. En cela, l’événement a joué un rôle de catalyseur inédit : jamais un chantier patrimonial n’avait rassemblé une telle unanimité, ni généré une telle mobilisation financière (près de 850 millions d’euros de dons), humaine et institutionnelle.


Mais Notre-Dame n’est pas qu’un témoin du passé : elle est une actrice du présent. Sa restauration n’est pas seulement un acte de conservation. Elle est une réponse à l’angoisse du monde devant la perte des repères. Une cathédrale blessée, soignée par des milliers de mains, est devenue le symbole d’un espoir reconstruit. Ce processus, ce miracle d’intelligence collective, est au cœur du récit qui suit.


II. Une promesse tenue grâce à une organisation exceptionnelle

À peine vingt-quatre heures après l’incendie, le Président Emmanuel Macron annonçait publiquement que la cathédrale serait reconstruite « plus belle encore », et ce, dans un délai de cinq ans. Une promesse forte, ambitieuse, et qui semblait presque irréalisable à l’échelle d’un édifice aussi complexe.


Pour y parvenir, l’État a mis en place une organisation spécifique : l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris est créé dès l’été 2019, doté de moyens juridiques, humains et budgétaires adaptés à un chantier hors norme. Sa gouvernance, placée initialement sous l’autorité du général Jean-Louis Georgelin, repose sur une chaîne décisionnelle claire, resserrée et réactive, rompant avec les procédures administratives classiques.


Ce choix a permis un pilotage de haut niveau : le général Georgelin, fort de son autorité et de son sens de la mission, imposa un cap clair, une exigence de qualité, une rigueur militaire dans les délais. À sa disparition en 2023, son successeur Philippe Jost a repris ce flambeau avec la même exigence, combinant vision stratégique, sens de l’intérêt général et culture patrimoniale.


La maîtrise d’œuvre fut confiée à un trio d’architectes en chef des Monuments historiques, expérimentés et complémentaires : Philippe Villeneuve (chargé du monument), Pascal Prunet (sur les abords et les restaurations pierre), et Rémi Fromont (charpente, flèche). Ce dernier avait, dès 2014, effectué les relevés manuels de la charpente, un acte fondateur dans la réussite à venir.


Le pilotage a été renforcé par des cellules techniques, un comité scientifique indépendant, et une équipe de communication à la hauteur de l’enjeu symbolique. À cela s’ajoute un rapport étroit avec les entreprises de travaux, sélectionnées sur des critères d’excellence.


Ce modèle d’organisation à haute performance, alliant stratégie publique, maîtrise artisanale, recherche scientifique et génie civil, restera un cas d’école. Il démontre que la France, lorsqu’elle s’unit autour d’un objectif clair, sait allier excellence et efficacité.


III. Une restauration fidèle, fondée sur les principes de Venise et de Nara

Dès les premiers jours ayant suivi l’incendie, un débat profond s’est engagé : fallait-il restaurer Notre-Dame « à l’identique », ou fallait-il assumer une approche contemporaine ? Devait-on reconstruire la flèche de Viollet-le-Duc, ou en proposer une nouvelle, comme certains architectes stars l’ont suggéré ? Fallait-il respecter les matériaux d’origine, ou en utiliser de nouveaux, plus "modernes" ?


Ce débat, très médiatisé, a surtout révélé une fracture dans le rapport au patrimoine : d’un côté, une vision « créative », souvent techniciste ou symbolique, de l’autre une vision de continuité, de fidélité, et de respect de l’héritage. Le choix du Président de la République, appuyé par le Conseil national du patrimoine et de l’architecture (CNPA), fut clair et sans ambiguïté : restaurer Notre-Dame à l’identique, dans son état du 14 avril 2019 au soir.


Ce choix s’inscrit dans la lignée des grandes chartes internationales du patrimoine :


  • La Charte de Venise (1964), qui affirme que toute intervention doit viser à conserver l’authenticité historique, architecturale et matérielle d’un monument ;

  • Le Document de Nara (1994), qui insiste sur la diversité des contextes culturels, des savoir-faire, et la valeur de l’authenticité comme ancrage.


La reconstruction à l’identique n’est pas une solution par défaut. C’est un acte fort, éclairé, documenté, respectueux de l’œuvre collective que représente Notre-Dame. Elle implique de mobiliser les mêmes matériaux (le chêne, le plomb), les mêmes techniques (l’équarrissage à la hache, les assemblages bois traditionnels), et les mêmes logiques constructives.


Ce respect s’étend également à l’esprit du monument : sa verticalité, son équilibre, sa fonction. Il ne s’agit pas de figer le passé, mais de lui redonner corps et vie, avec les moyens du présent.


Enfin, ce choix a permis un élan pédagogique et une mobilisation artisanale sans précédent : en restaurant à l’identique, on restaure aussi le lien entre les générations, entre la main d’hier et celle d’aujourd’hui.


IV. Une conservation exigeante avant toute reconstruction

Avant même de penser à reconstruire la charpente ou la flèche, il a fallu sauver ce qui pouvait l’être, stabiliser l’existant, protéger les éléments vulnérables et créer les conditions d’une restauration durable. Cette phase critique, souvent méconnue du grand public, s’est déroulée entre 2019 et 2021, dans des conditions techniques et humaines extrêmement délicates.


L’objectif de cette phase de conservation préalable était double :


  • éviter que la cathédrale ne subisse un second sinistre (effondrement, infiltration, affaissement) ;

  • diagnostiquer précisément l’état du monument pour adapter les solutions de restauration.


Parmi les réalisations les plus marquantes :


  • Le démontage millimétré de l’échafaudage d’avant-incendie, fondu et suspendu au-dessus du vide, a nécessité l’intervention d’alpinistes industriels, dans un ballet millimétré d’une durée de plus de six mois ;

  • La mise en place de cintres en bois lamellé-collé triangulés pour soutenir les voûtes de la nef, du chœur et du transept, dont certaines avaient été perforées par la chute de la flèche ou des poutres ;

  • Le dépoussiérage systématique, à l’aide d’aspirateurs à filtre absolu, de toutes les surfaces intérieures (murs, piliers, sculptures, sols), pour éliminer les suies et les particules de plomb issues de la combustion de la toiture ;

  • Le dessalement des pierres atteintes par les eaux d’extinction et la suie acide, grâce à une technique de brumisation longue durée, visant à éviter l’éclatement de la pierre à long terme.

  • Le démontage complet du Grand Orgue, œuvre monumentale de 8 000 tuyaux répartis sur cinq claviers, a aussi représenté une prouesse : chaque tuyau a été numéroté, conditionné, analysé, nettoyé, puis restauré à sec, sans recours à des bains potentiellement corrosifs.


Parallèlement, un chantier-test a été lancé dans la chapelle Saint-Ferdinand, afin de valider les protocoles de nettoyage des pierres et de restauration picturale avant de les appliquer à l’ensemble du bâtiment.


Enfin, tous les matériaux brûlés ont été collectés, inventoriés, analysés sous la houlette du LRMH (Laboratoire de Recherches des Monuments Historiques), avec un souci de traçabilité exemplaire. Des morceaux de poutres, des clous, des fragments de sculpture, des éléments de charpente ont été conservés comme objets d’étude, mais aussi comme archives matérielles de la cathédrale blessée.


Cette phase de conservation n’était pas un prélude secondaire, mais une condition essentielle de réussite. Elle a révélé une vérité fondamentale : avant de reconstruire un monument, il faut d’abord le comprendre.


V. Le lien retrouvé entre la cathédrale et les forêts françaises qui lui ont donné ses bois

Rebâtir la charpente et la flèche de Notre-Dame à l’identique supposait de retrouver la ressource première de son édification : le chêne. Mais pas n’importe quel chêne. Il fallait des arbres hauts, droits, âgés de plus de 150 ans, aux fibres denses et régulières, capables de fournir des poutres équarries dans des longueurs et des sections hors normes.


Ce défi logistique, patrimonial et symbolique a été relevé avec brio grâce à la mobilisation de toute la filière forêt-bois française. Sous la coordination de l’Office national des forêts (ONF), appuyée par le ministère de l’Agriculture et les DRAC, ce sont 67 forêts publiques et privées qui ont fourni plus de 1000 chênes monumentaux (flèche) et 1000 chênes aux diamètres plus faibles pour les charpentes médiévales, rigoureusement sélectionnés.


Parmi ces forêts, certaines ont une valeur historique majeure : Tronçais, Bercé, Bertranges, Compiègne ou encore Guérigny ont offert les plus beaux spécimens issus de futaies régulières, modèle de gestion durable remontant à Colbert. Ces arbres n’ont pas été choisis pour leur rareté, mais pour leur adéquation aux exigences d’un chantier d’exception, alliant dimension, droiture, et durabilité.


L’opération a suivi un calendrier écologique strict : les arbres ont été abattus en hiver 2021, pour éviter les montées de sève, et débités en plots dans des scieries locales. Chaque grume a été identifiée, numérotée, photographiée, tracée, et affectée à une partie spécifique de la charpente.


Une distinction essentielle doit être faite entre deux grandes familles d’ouvrages :


  • Les charpentes médiévales (XIIIe siècle : nef, chœur et abside) ont été reconstruites avec des pièces de chêne vert taillées à la hache et à la doloire par les Ateliers Perrault (Groupe Ateliers de France- ADF) et les Ateliers Desmonts, des outils traditionnels spécialement forgés par des taillandiers pour le chantier. Ce choix permet de retrouver fidèlement les profils originaux, les surfaces planes irrégulières et l’esthétique des assemblages du XIIIe siècle.


  • La flèche néogothique de Viollet-le-Duc (XIXe siècle), quant à elle, a été reconstituée à partir de pièces de chêne sciées mécaniquement, conformément aux techniques de charpente du XIXe siècle, qui font toujours partie des pratiques contemporaines. Son dessin, plus ajouré, plus élancé, suppose un usinage plus précis et rationalisé, respectant néanmoins les assemblages d’origine.


Les charpentiers ont travaillé à partir d’épures tracées au sol, selon les règles du trait de charpente, une discipline millénaire fondée sur la géométrie descriptive, la projection dans l’espace et la maîtrise absolue des assemblages. Ce savoir-faire a été officiellement reconnu par l’UNESCO, qui l’a inscrit en 2009 sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.


Cette double approche – fidélité médiévale pour les charpentes anciennes, restitution rationalisée pour la flèche du XIXe – témoigne de la précision historique et de l’intelligence constructive à l’œuvre dans ce chantier. C’est une leçon de respect, mais aussi une démonstration éclatante de la capacité contemporaine à honorer chaque époque selon ses propres codes techniques.


VI. La reconstitution magistrale de la flèche de Viollet-le-Duc, sommet d’une œuvre collective

Parmi les images qui ont le plus marqué les esprits le 15 avril 2019, celle de la flèche s’effondrant dans les flammes restera gravée dans la mémoire collective comme un symbole de perte irrémédiable. Cette flèche, pourtant relativement « récente » dans l’histoire de la cathédrale, était devenue au fil des siècles l’un de ses signes identitaires les plus forts.


Érigée entre 1858 et 1859, selon les dessins de Viollet-le-Duc, cette flèche néogothique s’élevait à 96 mètres du sol. Entièrement en bois de chêne recouvert de plomb, elle reposait sur une base octogonale ajourée le tout posé sur quatre appuis situés en tête des piliers du transept à 28m du sol. Sa silhouette élégante, inspirée des grandes flèches gothiques de France (Orléans, Amiens), complétait admirablement l’harmonie de la croisée du transept. Elle abritait également une fonction spirituelle et symbolique : orientée vers le ciel, elle désignait Notre-Dame comme lieu de verticalité, d’élévation et de rassemblement.


Reconstituer cette flèche n’était pas seulement une question de forme, mais une question de fidélité à l’œuvre d’un restaurateur visionnaire. Viollet-le-Duc, en son temps, avait su prolonger l’esprit du Moyen Âge avec les moyens du XIXe siècle. Il fallait donc, aujourd’hui, en faire autant : restituer son travail avec les savoir-faire et les outils d’aujourd’hui, sans trahir sa logique d’auteur et sa pensée constructive.


La reconstruction a été confiée au groupement Le Bras Frères – Asselin – Cruard – MDB. Le chantier, préparé en ateliers, a été précédé par :


  • L’étude complète des plans et relevés anciens ;

  • La modélisation numérique en 3D de l’ensemble de la structure ;

  • La reconstitution d’une épure complète à l’échelle 1:1 ;

  • Le test en atelier de tous les assemblages, avant levage sur site.


Comme évoqué au chapitre V, contrairement aux charpentes médiévales, les éléments en bois de la flèche ont été sciés mécaniquement à partir de pièces de chêne issues de forêts françaises, puis assemblés selon les techniques de charpente du XIXe siècle. Les compagnons ont reproduit les modénatures, les profils, les arcs rampants, les lanternons, les abat-sons et les lucarnes ajourées avec un soin exceptionnel.


La couverture de plomb, confiée à des artisans spécialisés, a permis de restituer fidèlement le miroitement si particulier de la flèche originelle. Les statues des apôtres et des évangélistes, qui avaient été déposées pour restauration quelques jours avant l’incendie (sauvant leur vie, en quelque sorte), retrouveront leur place autour de la base octogonale.


Enfin, en décembre 2024, la croix sommitale a été reposée, précédée du coq emblématique, restauré et enrichi d’une nouvelle relique contemporaine. Ce geste a marqué le couronnement du chantier, dans un climat d’émotion profonde.


Rebâtie selon ses proportions, ses matériaux, et son esprit, la flèche de Viollet-le-Duc s’élève à nouveau dans le ciel de Paris, telle une promesse tenue, un acte de beauté retrouvée, et un hommage silencieux à ceux qui ont permis ce retour.


VII. Une mobilisation humaine, scientifique et financière inédite

La restauration de Notre-Dame ne s’est pas seulement jouée dans les ateliers, les échafaudages ou les bureaux d’études. Elle s’est déployée grâce à une mobilisation collective sans précédent, réunissant des centaines de métiers, de savoir-faire, d’expertises scientifiques et de soutiens venus du monde entier.

D’abord, ce sont les artisans et les compagnons qui ont constitué le cœur battant du chantier. Plus de 2000 professionnels ont été mobilisés, représentant près de 20 corps de métier : charpentiers, tailleurs de pierre, couvreurs-plombiers, sculpteurs, verriers, campanistes, forgerons, échafaudeurs, menuisiers, peintres, restaurateurs d’art. Chacun a apporté son exigence, sa précision, sa patience. Plusieurs d’entre eux sont Meilleurs Ouvriers de France, maîtres compagnons ou en transmission de savoir-faire.


Ce chantier a également permis de faire émerger une nouvelle génération de compagnons, formés sur le terrain, dans des conditions d’exception, encadrés par les meilleurs. À travers eux, c’est une promesse de continuité, de renouveau, et de transmission qui s’est incarnée.


Sur le plan scientifique, la restauration a donné lieu à une coopération d’une ampleur inédite entre plusieurs institutions :

  • Les laboratoires du CNRS, du LRMH, de l’INSA, des Arts et Métiers, du CEA, du MAP ;

  • Des écoles d’ingénieurs et d’architecture en France et en Europe ;

  • Des programmes universitaires transversaux, comme le Master Notre-Dame (porté et financé par l'association Restaurons Notre-dame), qui ont permis à des étudiants de travailler sur des problématiques concrètes : simulation des structures, bilan carbone, comportement des matériaux anciens, analyse des contraintes sur les voûtes, etc.


Cette recherche appliquée a bénéficié d’un accès sans précédent aux données techniques du chantier, ce qui en a fait un laboratoire grandeur nature pour les sciences du patrimoine.


Côté financement, le soutien a été à la mesure de l’émotion suscitée par l’incendie. En quelques mois, près de 850 millions d’euros de dons ont été collectés :


  • 4 mécènes principaux (LVMH, L’Oréal, Total, la famille Pinault) ont apporté plus de 500 millions ;

  • 340 000 donateurs, particuliers et entreprises, ont participé depuis plus de 150 pays.


Ce soutien massif a permis de garantir un financement intégralement privé pour les travaux, tout en assurant la transparence et la traçabilité des dépenses via l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris.


Enfin, cette mobilisation s’est traduite par une fierté collective rare. Ce chantier a recréé une unité dans une époque fragmentée : celle des métiers, celle des générations, celle des territoires. De la forêt à la flèche, du lycée professionnel aux grandes écoles, c’est toute une nation qui s’est sentie actrice de cette renaissance.


VIII. Le retour de Notre-Dame comme symbole vivant d’unité nationale et de beauté partagée

Le 8 décembre 2024, la cathédrale Notre-Dame de Paris a rouvert ses portes au culte et au public. Moins de six ans après l’incendie, le monument est revenu à la vie, fidèle à son architecture, à son esprit, à son histoire. Mais cette réouverture ne marque pas la fin d’un chantier : elle consacre le retour d’un symbole, un témoin universel d’unité, de résilience et de beauté.


Car Notre-Dame est bien plus qu’un édifice. Elle est l’âme de Paris, la mémoire de la France, et un repère pour le monde. Elle traverse les siècles sans jamais perdre de sa force évocatrice. Elle unit les croyants et les non-croyants, les amateurs d’art, les amoureux du patrimoine, les citoyens ordinaires, les enfants, les visiteurs du monde entier. En ce sens, elle est un point de rencontre entre le passé et le présent, entre l’intime et l’universel.


L’histoire de sa restauration en cinq ans est une réponse puissante aux doutes contemporains : face à l’urgence climatique, à la fragmentation culturelle, à la perte de repères techniques ou spirituels, la reconstruction de Notre-Dame démontre qu’il est encore possible de mobiliser un pays autour d’un projet commun, exigeant, ambitieux, et profondément enraciné.

Notre-Dame restaurée, ce n’est pas le retour au passé : c’est une projection dans l’avenir à partir d’une mémoire retrouvée. Elle nous enseigne que la beauté est un besoin fondamental, que l’effort collectif a du sens, et que la tradition peut être un ferment de modernité.

Elle est aussi une cathédrale habitée : les cloches sonnent, les offices reprennent, la lumière traverse de nouveau les vitraux, les chants montent sous les voûtes restaurées. L’édifice reprend sa mission première : celle de relier la terre et le ciel, l’homme et le mystère, la pierre et l’espérance.


Notre-Dame est désormais prête à accueillir des millions de visiteurs, comme autant de pèlerins d’un monde qui a besoin de beauté, d’histoire, et de sens. Elle ne nous appartient pas : nous lui appartenons. Et en la reconstruisant, c’est une part de nous-mêmes que nous avons restaurée.


IX. L’action en profondeur de l’association Restaurons Notre-Dame (rND), vigie et force de proposition citoyenne

Au cœur de l’incroyable chantier de restauration de Notre-Dame, un acteur s’est imposé de manière indépendante et constante : l’association Restaurons Notre-Dame (rND). Dès les premières heures qui ont suivi l’incendie du 15 avril 2019, elle s’est mobilisée pour que la reconstruction se fasse dans l’esprit du monument, avec les matériaux d’origine, et dans le respect des savoir-faire anciens.


Représentante légitime de la société civile et officiellement reconnue d'intérêt général à caractère culturel, rND a fait entendre une voix claire et structurée : celle de la filière bois, des artisans, des forestiers, des architectes du patrimoine, des chercheurs, des pédagogues et des citoyens amoureux du patrimoine. Elle s’est battue contre les idées de transformation contemporaine de la flèche, contre les raccourcis techniques, et pour une reconstruction à l’identique, appuyée sur des fondements historiques, techniques et symboliques solides.

Mais au-delà de ce rôle de veille, l’association a mené un travail de fond exceptionnel, structuré en plusieurs axes :


1. Valorisation des savoir-faire d’excellence


rND a organisé et accompagné des actions de sensibilisation, de démonstration et de transmission autour du trait de charpente, de l’équarrissage à la hache, de la charpente traditionnelle, du compagnonnage et des métiers du bois. Elle a mis à l’honneur les gestes ancestraux qui ont permis la renaissance de Notre-Dame, et montré qu’ils sont plus vivants que jamais.


2. Mise en lumière des forêts françaises patrimoniales


L’association a œuvré pour relier la cathédrale à ses racines forestières. Avec la création du programme des Futaies Notre-Dame, elle a mis en place des parcours pédagogiques permanents dans des forêts prestigieuses comme Guérigny, Tronçais, ou Ferrières (à venir). Ces lieux permettent aux publics de comprendre la gestion durable des futaies régulières, la sélection des chênes d’exception, et leur contribution au patrimoine.


3. Action culturelle, scientifique et territoriale


À travers l’opération itinérante « Notre-Dame vient à Vous », lancée aux Forges Royales de Guérigny, rND a fait dialoguer artisans, scientifiques, élus et citoyens autour d’une maquette grandeur nature, d’expositions, de projections, et de démonstrations. Cette initiative sera déployée dans d’autres villes à partir de 2025, avec pour objectif de porter les valeurs du chantier jusque dans les territoires.

L’association a également initié un programme universitaire inédit avec plusieurs écoles et laboratoires, accompagnant des projets d’étude de niveau master et créant une base documentaire de référence. Elle a publié des ouvrages, animé des conférences, diffusé des vidéos pédagogiques et accompagné la médiatisation du chantier.


4. Une vision pour l’après chantier


À l’heure où la cathédrale est restaurée, rND continue sa mission avec lucidité et ambition. D’ici 2028, elle souhaite :


  • Étendre les Futaies Notre-Dame à d’autres régions ;

  • Renforcer son programme itinérant et pédagogique dans les villes de France en partenariat avec la Fédération des Compagnons du Tour de France

  • Créer un centre permanent de médiation sur les métiers du bois et du patrimoine vivant, avec la maquette de la flèche comme point d’ancrage ;

  • Contribuer à la transmission des savoir-faire dans les lycées, les CFA et les écoles d’architecture.


Par son engagement constant, Restaurons Notre-Dame a su incarner l’âme du chantier : rigueur, humilité, exigence, transmission, ouverture. Elle est la preuve que la société civile, lorsqu’elle s’organise, peut être une force structurante, utile, et durable.


X. La nécessité de faire de cette œuvre une source féconde de transmission, pour les générations à venir.

Notre-Dame est debout. Rouverte. Vivante. Mais sa restauration ne marque pas une fin. Elle ouvre, au contraire, un nouveau cycle. Le chantier a rendu visible un réseau de compétences, d’intelligences, de convictions et de gestes qui ne peuvent rester en suspens. Il faut maintenant transmettre.


Transmettre quoi ? Un savoir-faire, bien sûr. Celui du trait de charpente, des outils manuels, du bois de chêne, des assemblages. Mais aussi un état d’esprit : celui d’une société capable de se rassembler autour d’un bien commun, de croiser les métiers, les générations, les territoires. Et une philosophie de l’engagement : lente, exigeante, désintéressée, tournée vers l’héritage plutôt que vers l’éphémère.


Restaurons Notre-Dame inscrit son action dans cette continuité. À travers ses projets 2025–2028, l’association s’engage à :


  • Déployer les Futaies Notre-Dame dans d’autres forêts emblématiques, pour faire dialoguer patrimoine, éducation et écologie ;

  • Étendre son programme « Notre-Dame vient à Vous » dans les villes, les lycées, les cathédrales et les quartiers ;

  • Créer un lieu pérenne de médiation culturelle, centré sur les métiers du bois et de la restauration patrimoniale, avec la flèche de Viollet-le-Duc comme maquette de référence ;

  • Consolider les liens avec les écoles, les CFA, les universités, pour que le chantier de Notre-Dame devienne une ressource pédagogique nationale et internationale.


La flèche reconstruite est un sommet. Mais elle est aussi un point d’élan. Un levier pour redonner du sens aux jeunes générations, pour réconcilier main et pensée, pour inscrire l’excellence dans le réel. À travers elle, il est possible de raconter l’histoire d’une France qui construit, qui respecte, qui relie.


Ce n’est pas un monument qu’on a sauvé. C’est une matrice de sens. Une cathédrale de pierre et de bois, mais aussi d’idées, d’émotions et de confiance retrouvée.


Et maintenant que Notre-Dame est restaurée, il nous revient de faire vivre l’élan qu’elle a suscité.



Pascal JACOB,

Fondateur et Président d'Honneur de Restaurons Notre-Dame (rND)

Paris, le 15 avril 2025

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